Maquettes Notre-Dame de Paris

Genèse d’un projet

Chaque année en septembre c’est la rentrée pour les itinérants sur le Tour de France ; les postulants au titre de compagnon vont présenter leur projet aux anciens qui leur apporteront une critique constructive et un accompagnement. En quelque sorte, ils af­fichent alors leur assurance d’être capables de construire cette pièce dont ils dévoilent les plans et de la présenter aux compagnons le 13 mars… Un engagement en qualité et en temps, une échéance dont nul ne se doute de l’importance particulière qu’elle va revê­tir. Dans la vie, se hisser à la hauteur de ses ambitions est respectable, c’est un engage­ment qui coûte beaucoup… Certains pren­dront conscience qu’il faut savoir doser ses prétentions ! C’est en cela aussi que le Tour de France est formateur.

Le choix du sujet reste la décision de chacun. Il doit rassembler un certain nombre de dif­ficultés du métier, étant entendu qu’il n’y a pas de petits ni de grands chefs-d’œuvre, sa dimension réside plutôt dans l’engagement de la personne qui le réalise. Généralement individuel, le chef-d’œuvre peut revêtir par­fois des proportions particulières, c’est le cas pour celui de la charpente de Notre-Dame de Paris sur lequel trois postulants à la ré­ception, faisant étape à Anglet, ont travaillé : Armand Dumesnil, Yann Férotin et Valentin Pontarollo. Un évènement a bien sûr partici­pé à guider leur choix : l’incendie de Notre-Dame, une actualité dramatique qui a ému les Compagnons. Une volonté en rapport direct avec le lien historique qui unit com­pagnonnage et construction des cathédrales, l’occasion de s’inscrire dans une histoire qui est la leur : voilà comment est née en mai 2019 l’idée de réaliser ce chef-d’œuvre avec pour thème la charpente de la cathédrale de Paris.

Le compagnon charpentier Jean-Michel Hourcade, « Basque la Ténacité », a pris une part prépondérante dans ce projet : il en sera le « gâcheur » (le chef de chantier) et c’est à Charritte-de-Bas, petit bourg du Pays basque, dans les locaux de son entreprise, que le projet se concrétise.

 

La réalisation du chef-d’œuvre

Réalisée à l’échelle 1/20e, cette charpente a belle allure ! Un ouvrage qui ne revendique pas un label « à l’identique » (difficile à cer­ner d’ailleurs tant les archives montrent de variantes dans cette charpente), il ambi­tionne simplement d’être dans l’esprit de la charpente d’origine, respectueuse du trait de charpente et d’une conception assurant les reprises de charge, notamment au raccord de la flèche.

Après s’être répartis les tâches, les trois aspirants ont tracé l’épure, c’est-à-dire le plan de la charpente. Jean-Michel Hourcade avait effectué dès le mois de mai un important travail de recherche dans di­verses archives et fait tracer par son spécia­liste Cadwork (logiciel 3D pour la charpente) différentes épures. Nos trois postulants avaient là une bonne base de départ.

Côté taille, il y avait énormément de travail, ce n’est pas par hasard que l’on nommait cette charpente « la forêt » ! La charpente dans son ensemble n’est pas d’une grande complexité, en revanche, la conception au­tour du raccord de la flèche mérite une at­tention particulière en raison de la grande portée des fermes. Il faut savoir que c’est une dimension importante pour de la char­pente traditionnelle qui, autre paramètre à prendre en compte, est destinée à rece­voir des dizaines de tonnes de plomb pour la couverture. On peut également citer l’abside du chœur dont la réalisation des pannes cintrées demande des connaissances particulières. Pour rester dans le ton de la charpente d’origine, c’est le chêne qui a été choisi pour réaliser ce travail, l’échelle 1/20e permettant de réaliser les assemblages tradi­tionnels dans de bonnes conditions.

La particularité de cette charpente est de ne pas avoir d’enrayure basse (l’enrayure constitue la partie horizontale normalement à la base de la charpente), ce en raison des voûtes qui émergent, on a une concep­tion sur poteaux qui permet le passage des voûtes entre les jambages. Pour le chef-d’œuvre, le talent de nos amis peintres a transformé en maçonnerie plus vraie que nature le contreplaqué qui figure les murs, également mis en forme par les charpentiers.

Un ouvrage magistral, qui a néces­sité une somme de travail considé­rable : elle est l’œuvre d’une équipe de trois itinérants charpentiers, bien secondés par les anciens d’Anglet, pièce maitresse d’un ensemble com­plété par d’autres compagnons char­pentiers, menuisiers, peintres et ser­ruriers. Voilà sans doute la meilleure des façons de rendre hommage à un élément phare du patrimoine, un de ceux qui en leur temps ont permis de construire le compagnonnage.

La touche d’authenticité est donnée par l’ajout des statues qui ont été modélisées en 3D pour cette occasion et taillées par une machine à commandes numériques… Ce « détail » permet aux connaisseurs d’imaginer le travail des couvreurs pour réaliser l’étanchéité autour de tant d’obstacles. À remarquer que la flèche et cet apport des statues ont généré une multitude de détails à réaliser. La création du luxueux tréteau elle aussi ajoute son lot de difficultés, avec de nombreux bois « croches », cin­trés en plan et en élévation.

Et au fait ! Nos trois jeunes ont donc pré­senté ce chef-d’œuvre devant leurs pairs et ont été reçus Compagnons du Tour de France.

 

LES CHARPENTIERS

L’engagement des jeunes Compagnons

La maquette de Notre-Dame est issue du travail concret et minutieux mené pendant plusieurs mois par trois jeunes charpentiers.

Quand on demande à Valentin, Armand et Yann, les trois jeunes itinérants sur le Tour de France pourquoi ils se sont engagés dans le projet de maquette de Notre-Dame, c’est le mot Hommage qui revient. Alors qu’ils étaient tous les trois destinés à réaliser un chef-d’œuvre individuel pendant de longs mois de 2019 et 2020 pour devenir officiellement compagnons, ils ont décidé, à l’initiative de Jean-Michel Hourcade, de se rassembler dans une réalisation collective pour marquer leur entrée dans la profession de charpentier.

Cette maquette au 1/20e est d’abord pour eux une manière de rendre hommage à Notre- Dame de Paris, victime d’un incendie, qui les a émus, comme beaucoup d’autres Français. Ensuite c’est un hommage, bien sûr, aux Com­pagnons charpentiers, mais aussi couvreurs, maçons et menuisiers qui ont participé de tout temps à la construction des cathédrales. Enfin, ce travail collectif est aussi un hom­mage aux différents collègues des autres métiers qui les ont aidés dans la préparation, la construction et l’assemblage du millier de pièces qui constituent la maquette.

À l’issue de la réalisation, un engagement de centaines d’heures les soirs et les week-ends, après leur travail quotidien de charpentier, l’autre mot qui domine, c’est celui de fierté. On peut le constater lors de leur présentation au Salon international du Patrimoine, où ces jeunes viennent expliquer leur exploit. Pour Yann, « c’est un beau chef-d’œuvre qui mêle travail et histoire ». Pour Valentin, « c’est un travail qui restera dans nos mémoires », quand pour Armand, « c’est la bonne ambiance collective qui a permis au projet d’être mené à son terme ». Il s’agit en tout cas d’une aventure exceptionnelle que peu de Compagnons ont la chance de vivre au moment de leur entrée dans la carrière.

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Compagnons et Maîtres d’œuvre, la revue

Découvrez chaque trimestre notre revue autour de l’actualité des Compagnons du Tour de France et de la formation.

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